La Ressourcerie
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1. Faire une déclaration surprenante
Une information surprenante est une information qui saisit par son aspect inattendu, son caractère inopiné ou sa singularité. C’est un fait étonnant, incroyable ou bizarre. Une information surprenante peut aussi bien être drôle, dramatique, insolite, ou effrayante, voire terrifiante. L’important est qu’elle suscite, chez l’auditeur, une émotion, qu’elle l’intrigue. Il peut aussi s’agir d’un sujet connu de tous, mais présenté pour l’occasion avec une nouvelle perspective.
Faire une déclaration surprenante est une excellente manière d’attirer l’attention. Révèle à l’auditeur quelque chose qu’il ignorait ou dont il avait une mauvaise connaissance, quelque chose dont il n’avait même pas conscience. En t’entendant, il doit être étonné, voire choqué, et se dire en lui-même : « C’est incroyable ! Cet orateur a des choses à m’apprendre. Je vais continuer à l’écouter (je vais même éteindre mon téléphone !) » La surprise sera d’autant plus grande s’il entend pour la première fois de sa vie l’information que tu lui délivres ou s’il la découvre sous un nouvel angle : « Très intéressant ! Je n’avais jamais envisagé les choses comme ça (il faut vraiment que j’éteigne mon téléphone !) ».
Impose le silence intérieur !
Pour introduire une conférence sur l’hygiène du côlon, tu pourrais lancer : « La surface d’échange du gros intestin équivaut à deux terrains de tennis : 400 m2. » Qui ne serait pas surpris d’apprendre qu’il héberge dans son abdomen de quoi loger confortablement une famille nombreuse ? Trouve la déclaration surprenante qui convient à ton discours. Et réfléchis à la façon la plus imagée de la présenter. Le chiffre de 400 m2 n’est pas parlant pour tout le monde. Pour quelqu’un qui habite dans 40 m2, c’est probablement un peu abstrait. En revanche, tout le monde voit bien ce que représente un court de tennis. Pour plus d’impact, mieux vaut rapporter les abstractions et les chiffres (dimensions, poids, budget) à quelque chose de familier : la Tour Eiffel pour mentionner une hauteur, le SMIC pour indiquer le coût d’un équipement, la population d’une ville connue pour exprimer un nombre de morts, etc.
📌 Exemple
« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. »
Abbé Pierre, Paris (France), 1er février 1954, 2 minutes.

L’ouverture de ce discours, prononcé par l’Abbé Pierre durant l’hiver 1954 a de quoi saisir par sa force et son réalisme. Elle ne peut qu’étonner le Français, confortablement installé au fond de son canapé dans la chaleur de son logement, qui n’imagine pas qu’en France, au XXe siècle, on puisse encore mourir de froid. Il s’agit ici d’une déclaration surprenante et tragique.
🎓 Cas d’école n° 1
Le projet de ce discours Toastmasters de cinq à sept minutes était de transmettre des informations sur un sujet libre. Le titre en est « L’holocauste oublié », une expression utilisée par Daniel Vangroenweghe dans son livre Du sang sur les lianes. Pour parler du génocide congolais perpétré sous la responsabilité de Léopold II à la fin du XIXe siècle, j’ai choisi d’attirer l’attention du public par la technique de la déclaration surprenante, en deux phrases. Voici l’amorce.
Vous ne trouverez pas aujourd’hui, sur une carte géographique, le nom de la ville où je suis né. Avant de s’appeler Kinshasa, la capitale du Congo, Léopoldville portait le nom d’un des plus grands criminels en temps de paix, après Mao, après Staline, mais loin devant le sanguinaire Pol-Pot. Selon des historiens, le Roi Léopold II de Belgique serait responsable de la mort de 10 millions de Congolais, soit la moitié de la population de l’époque.
Pour cette ouverture, j’utilise en fait deux déclarations surprenantes. La première concerne le lieu de ma naissance que je déclare introuvable. Le public, dont l’attention est irrésistiblement attirée, aimerait en savoir plus. Chacun s’interroge sur les causes de cette situation pour le moins inhabituelle. La ville de l’orateur a-t-elle été rasée par un tsunami ? Vient-il d’une autre planète ? Ou « tout simplement » est-il un voyageur du temps en escale entre deux sauts quantiques ? La réponse est dans la seconde déclaration qui révèle les exactions de celui qu’on surnomme en Belgique « le Roi bâtisseur ». À l’époque de ce discours, peu de gens en France avaient connaissance de ces informations (j’ai donné ce discours quelques mois avant les premiers déboulonnages des statues de Léopold II ; mais je jure que je n’y suis pour rien !) Grâce à cette ouverture à double détente, je réussis à maintenir le public dans l’attention et dans l’émotion jusqu’à la fin.
Notes
- Daniel Vangroenweghe, Du sang sur les lianes, 1986.
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