15 Conseils pour Réussir
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15 Conseils pour Réussir

15 Conseils pour Réussir


La réussite, c’est d’abord et surtout d’être au travail quand les autres vont à la pêche.
Philippe Bouvard
 
Appliquer les techniques répertoriées et éviter les erreurs identifiées suffit amplement à construire une ouverture honnête, une ouverture qui fait le job.
 
Mais si tu veux hisser ton ouverture à un niveau supérieur, en obtenant à tous les coups une écoute et une adhésion indéfectibles de ton auditoire, alors tu trouveras dans les pages qui suivent quinze précieux conseils pour l’excellence. La grande majorité concerne exclusivement la préparation en amont : conception, apprentissage et répétition. Les trois derniers, en revanche, portent sur la prestation proprement dite le jour J.
 
Avant de mettre scrupuleusement en application ces conseils, il est important que tu te sentes très à l’aise avec les quatre missions, les quatre besoins et les vingt-huit techniques. Faute de quoi, une certaine confusion pourrait s’installer.
 
Ensuite, le moment venu, applique avec soin chacun des conseils qui suivent afin de pousser l’A.C.I.S. (le quartet attention/connexion/intérêt/sujet), à son potentiel maximum et de déployer ton ouverture dans ces quatre dimensions.
 
En très peu de temps, les résultats seront au rendez-vous et ton discours entier prendra une direction prometteuse.

1. Respecte les objectifs

Première règle élémentaire : fais en sorte que ton ouverture respecte l’objectif général de ton discours.
Tes auditeurs apprécieront de sentir un discours clairement positionné dès le but. : informatif, inspirant, persuasif ou divertissant. C’est important pour eux de savoir rapidement sur quel plan accueillir ta parole.
Aligne aussi ton ouverture sur ton objectif spécifique : ce que tu veux que tes auditeurs retiennent ou fassent à la fin de ton discours.
Plus les trois parties (ouverture, développement, finale) de ton discours seront alignées entre elles et avec tes objectifs, plus il sera facile pour ton auditoire de suivre ton cheminement à travers les idées.

2. Rédige entièrement

Rédige ton ouverture à la virgule près, du début à la fin. Ne laisse rien au hasard. Je l’ai déjà dit, il n’y a pas de place pour l’improvisation à ce stade.
Écris chaque phrase avec soin. Respecte une syntaxe simple, rédige des formules courtes ; pas de parenthèses, peu de subordonnées.
Chaque phrase de ton ouverture doit servir l’une des quatre missions de l’ouverture, ou plusieurs à la fois. Polis chaque sentence comme un diamant jusqu’à ce qu’elle brille au point d’éblouir.
Souviens-toi que nous recherchons l’impact maximum. Ton ouverture doit trancher à la vitesse et avec la précision d’un katana.

Notes
  1. « [Le style de l’exorde] ne doit pas non plus être trop châtié, ni trop sentir la période ; mais le plus souvent, il doit avoir un air simple, facile, et qui promet peu. » Quintilien, Institution oratoire, livre IV, chap. I.

3. Rédige après le développement

Bien qu’elle soit la première que tu vas dire sur scène, l’ouverture n’est sûrement pas la première partie de ton discours à rédiger. Puisque tu ne sais pas encore clairement ce que tu vas dire, à quel niveau de détail, ni comment tu vas le formuler exactement.
Commence plutôt par établir le plan détaillé de ta conférence. Bâtis ensuite ton développement. Après seulement, tu pourras t’attaquer à la rédaction de ton ouverture.
À ce moment-là uniquement, tu sauras avec une plus grande précision comment ouvrir ton discours. Parce que tu verras la suite à l’horizon.

4. Choisis tes mots

Choisis bien tes mots. Chacun doit être porteur de sens : pas de mots inutiles, pas de fioritures. Que des mots usuels. Le temps de l’ouverture est aussi court que l’enjeu est grand.
Les mots sophistiqués, rares, te feront perdre en puissance de frappe. Élimine le jargon. Soigne ton vocabulaire, mais reste simple.
Souviens-toi que tu n’as que trente secondes, guère plus, pour embarquer l’auditoire. Je ne parle pas de la durée de l’ouverture, mais du temps limité dont tu disposes pour faire bonne impression.

Notes
  1. « Ce qui doit rester entier des anciens préceptes, c’est d’éviter dans l’exorde toute expression insolite, toute métaphore trop hardie, tout mot suranné ou poétique. » Quintilien, Institution oratoire, livre IV, chap. I.

5. Agence les mots

L’effet rendu par une phrase dépend largement de la place de chacun de ses mots.
Place toujours en dernier, le mot ou l’expression que tu veux faire résonner dans l’esprit de tes auditeurs. Car c’est ce mot-là qui vibrera plus longtemps que les autres, comme la dernière corde pincée d’une guitare.
« Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. » Dans cette phrase, le mot le plus influent est assurément « amour ». Dis maintenant : « D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. » Et sens l’importance qu’a gagnée à présent « vos beaux yeux » !
Prends donc l’habitude d’ordonner avec intelligence, dans chaque phrase, les mots en fonction de l’impact que tu veux obtenir.

Notes
  1. « Il faut, dans la composition du discours, choisir soigneusement les termes, et en étudier l’arrangement. » Cicéron, Les trois dialogues de l’orateur, livre I, chap. V.
  1. Molière, Le bourgeois gentilhomme, 1670.
  1. Ibid.

6. Adapte-toi

Pour un même discours, tu ne pourras pas forcément faire la même ouverture en toutes circonstances.
Adapte-la à l’auditoire, aux circonstances, à la salle. Sache peser chaque mot, ciseler chaque phrase afin d’obtenir la meilleure résonance possible pour ce moment précis.
Si ton message est universel, la façon de le transmettre peut varier en fonction de différents paramètres. Tes mots n’auront probablement pas la même portée dans une pièce comptant 50 personnes que devant une salle de 1 500 personnes.
La même chose est vraie en fonction du profil de l’auditoire : professionnel, néophyte, hostile, amical…

Notes
  1. « L’orateur qui veut plaire étudie les dispositions de ceux qui écoutent. Il s’assujettit absolument à leurs volontés, à leurs fantaisies. » Cicéron, L’orateur, 46 av. J.-C.

7. Calibre

Le bon calibrage compte aussi. Ton ouverture devrait représenter de 5 % à 10 % de ton discours. C’est la règle pour un discours bien équilibré.
Dans un discours de dix minutes, ton ouverture durera une minute, guère plus. Elle peut ne s’étaler que sur quatre phrases. Première : j’attire l’attention. Deuxième : je me connecte au public. Troisième : je suscite son intérêt. Et quatrième, je lance le sujet. Tadam !
Tu peux même te limiter à une phrase, si ton discours en compte moins de vingt. C’est la « phrase-couteau-suisse-tout-en-un » : 1-2-3-4, l’ouverture attire un public intéressé au sujet. Voilà, c’est fait !
L’ouverture, c’est comme le café, tout est une affaire de dosage : un peu, ça excite, mais trop ça énerve !

Notes
  1.  « Au moins tu conviendras, je pense, que tout discours doit être composé comme un être vivant ; avoir un corps qui lui soit propre, une tête et des pieds, un milieu et des extrémités proportionnées entre elles et avec l'ensemble ? » Platon, Phèdre, 385-370 av. J.-C.

8. Tiens le rythme

Et si l’on parlait du rythme ? Mieux vaut, dans l’ouverture, parler lentement, distinctement, ar-ti-cu-ler, bien détacher les mots, les syllabes. Ne pas confondre dynamisme et précipitation.
La vitesse d’élocution correcte d’un conférencier se situe à 150 mots par minute environ. Pour l’ouverture, tu peux descendre à 120 par minute en séparant bien chaque mot pour être sûr d’être compris. Tu augmenteras ainsi tes chances d’accomplir tes quatre missions.
Autrement dit, ce sont tes cinquante premiers mots, tes trois ou quatre premières lignes de texte, qui seront décisifs. Alors, choisis-les bien ! (Voir conseil n° 4).

Notes
  1. « Lorsqu’on commence un discours, il faut avoir soin de donner de la douceur à son débit et de la simplicité à son langage. » Cicéron, Rhétorique à Herennius, Livre 1 Chap. VII, 86-82 av. J.-C.
  1. Les présentateurs des journaux d’informations de radio et de télévision s’expriment à 200 mots/minute. Les reportages enregistrés montent, eux, jusqu’à 230. (Étude Colas Rist, Université d’Orléans, 1999).
  1. Le Président Jacques Chirac parlait en public à une vitesse de 120 mots/minute.

9. Lis à voix haute

Une fois rédigé (voir conseil n° 2), lire ton texte à voix haute te permettra de faire quelques vérifications et éventuellement un certain nombre de mises au point.
Le style écrit et le style oral peuvent différer. Certaines syntaxes, certaines formulations, s’accommodent mal d’une déclamation.
Le passage de la page à la bouche impose parfois quelques rectifications.
Prête attention à la façon dont tes mots résonnent lorsque tu les dis. Si ton texte bute contre les lèvres ou heurte l’oreille, changes-en la formulation (voir conseils n° 4 et n° 5). Il doit couler en bouche.

10. Laisse reposer

Lorsque tu sens que ton ouverture est prête, que tu as vraiment fait de ton mieux, qu’elle répond à tous les critères de qualité ISO-TRUC que tu t’es fixés, alors il est temps de la laisser reposer, comme la pâte à gaufre. Pendant plusieurs jours si tu as le temps.
Je ne vais pas te mentir : ton texte ne va pas se bonifier. Même si tu penses modestement que c’est un grand-cru-exceptionnel-cuvée-du-chef. En vérité, c’est plutôt le contraire qui va se passer.
En le relisant d’un œil neuf, il se peut que tu lui trouves un petit goût de « moins agréable » à ce texte, de l’amertume, des grumeaux, et des tas d’autres défauts inattendus. Corrige-les. Reviens aux conseils précédents. Améliore tout ce qui peut l’être jusqu’à satisfaction totale.
Rédige, porridge, corrige… Repeat!

Notes
  1. « Il n’est pas douteux que la meilleure méthode ne soit de laisser reposer pendant quelque temps ce qu’on a écrit, pour le revoir ensuite comme un ouvrage tout nouveau et composé par un autre, et ne pas se laisser abuser par cette tendresse qu’ont tous les pères pour l’enfant qui vient de leur naître. » Quintilien, Institution oratoire, livre X, chap. IV.

11. Apprends par cœur

Par cœur ! Souviens-t’en ! Je le redis : pas de place dans l’ouverture pour l’improvisation (voir conseil n° 2), pour l’approximation, pour l’hésitation…
Oui, il faut apprendre le texte par cœur. Si ça te pose un problème, avale pendant quelques jours des wagons de GABA et de ginkgo biloba. C’est bon pour la mémoire. Ce n’est pas par hasard si le ginkgo représente la plus ancienne famille d’arbres sur Terre : 270 millions d’années, ça en fait des souvenirs !
Oui, par cœur. Pas le choix. C’est la meilleure garantie de remplir les quatre missions dans ta quête du public. Attention : par cœur, mais naturel ! Avec élégance !
Pour ma part, pour mémoriser sans effort, j’enregistre ma voix sur mon smartphone (grâce à l’appli Dictaphone). Et je me passe l’enregistrement à chaque occasion : dans la rue, au volant, dans les transports en commun, quand je repasse mes chemises (oui, je repasse ! Mes chemises et mes leçons en même temps), quand je prépare le repas… Je m’endors même avec ma voix ! Alpha, thêta, delta, zzz…

Notes
  1. Ceci n’est pas une prescription médicale !
  1. « Aussi n’y a-t-il que ceux dont la mémoire est vive et forte qui sachent ce qu’ils diront, dans quelle mesure et dans quels termes. Cicéron, Les dialogues de l’orateur, livre II, chap. LXXXVII.

12. Répète

Le conseil n° 11, c’était pour que ça rentre. Maintenant, pour que ça puisse ressortir naturellement, il faut répéter, répéter, encore et encore.
Répète à la moindre occasion : dans la rue, au volant, dans les transports en commun, quand tu repasses tes chemises (quoi ? Tu ne repasses pas ?), quand tu prépares le repas…
Chris Anderson, le directeur des conférences TED, estime que tu peux prétendre maîtriser parfaitement ton texte, si tu te montres capable de le dire imperturbablement devant une émission de télévision (avec le son, bien sûr).
J’ai essayé ; et c’est vrai que c’est implacable ! Quand tu réussis cette prouesse, tu sais qu’une fois sur scène, rien ne pourra te dévier de ton axe. Ça donne une grande confiance et beaucoup d’assurance. Et l’auditoire le sent.

Notes
  1. Chris Anderson, Parler en public, Flammarion, 2017.

13. Respire

Voilà… Dans quelques secondes, tu graviras les quelques marches qui mènent à la scène. Peut-être as-tu un peu le trac, peut-être ressens-tu de l’excitation, comme beaucoup de conférenciers. Accueille ! Le grand Cicéron lui-même connaissait cet émoi.
Ferme les yeux, rentre en toi-même. Et prête attention à ta respiration. Rends-la, quelques instants, profonde… lente… fluide… régulière… jusqu’à ressentir la paix.
Laisse-toi alors habiter par l’émotion qui sied le mieux à ton ouverture : joie, tristesse, colère, peur… Puis dans cette émotion, choisis la nuance la plus juste. Ouvre-lui tout ton être ; qu’elle colore ta voix.
C’est le moment : vas-y ! Entre !

Notes
  1. « L’orateur le plus habile, celui qui s’exprime avec le plus d’élégance et de facilité, n’est à mes yeux qu’un effronté, s’il ne tremble en montant à la tribune, et s’il ne tremble encore pendant tout son exorde. » Cicéron, Les trois dialogues de l’orateur, livre I, chap. XXVI.

14. Occupe la place

Une fois sur la scène, avance sereinement et en silence jusqu’au centre.
Tout va bien se passer. Ce n’est pas la première fois que tu montes sur cette estrade. Car dans l’après-midi, tu as pris soin d’y faire quelques pas pour prendre tes marques.
Une fois au centre de la scène, reste immobile, droit, les jambes légèrement écartées. Prends conscience de tes plantes de pied ; ancre-toi solidement.
Imagine que ton aura se densifie, s’épaissit et s’élargit jusqu’à remplir toute la scène. Maintenant, tu t’approches de ta dimension véritable.
Pendant ce temps, regarde avec assurance le public dans les yeux, même si les projecteurs t’empêchent de le voir (lui ne le sait pas).

15. Marque une pause

Tu es là au milieu de la scène… Sans un mot. Certains dans la salle n’ont peut-être toujours pas remarqué ta présence. Quelques murmures s’entendent encore par-ci par-là… Puis tout se tait… Personne ne tousse… L’air est suspendu. Tu peux sentir la salle tendue maintenant vers toi… Que ressens-tu à cet instant ?
Je t’avoue que pour moi, ce silence est de loin le moment le plus jouissif de la prise de parole en public. J’adore précisément cette pause qui semble une éternité… avant que le train démarre qu’on ne peut plus arrêter. Cet instant paroxystique… comme dans les secondes figées qui précèdent le coup de feu au départ d’un 100 mètres. Un mélange de peur et d’excitation, l’envie de rire et de pleurer à la fois. L’impression d’être dans l’œil immobile d’un cyclone à l’intérieur de moi.
Ce calme indicible avant la bataille, je le savoure toujours pleinement. J’aime pousser la tension de ce moment à son maximum. La qualité du silence que l’on obtient alors est d’une profonde pureté, d’une pureté qui confine au religieux (du latin religare qui signifie « relier »). Ce silence est ce qu’il y a de plus puissant pour capter l’attention.
Le défi est de jouir le plus longtemps possible de ce silence tendu comme la corde d’un arc, flèche pointée, mais sans laisser la corde céder, sans jamais franchir la fraction de seconde de trop qui gâcherait le moment pour tout le monde.
Pour moi, c’est tout le bonheur de ce métier : prendre la parole en plein orgasme et le prolonger au plus haut niveau d’extase et de méditation jusqu’à la fin des applaudissements en ayant donné le meilleur plaisir qu’on puisse à toute une salle avec l’espoir d’avoir peut-être changé la vie d’au moins une personne qui changera celle d’une autre à son tour…
Profite donc de ce précieux silence jusqu’au bout du bout… Maintenant ! Maintenant, c’est à toi…

Notes
  1. « Pour moi […], rien ne me semble plus beau que de pouvoir, par la parole, captiver l’attention des hommes assemblés, charmer les esprits, pousser ou ramener à son gré toutes les volontés. » Cicéron, Les trois dialogues de l’orateur, livre I, chap. VIII.

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