4. Créer le suspense
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4. Créer le suspense

4. Créer le suspense


 
Le suspense est un procédé narratif utilisé dans la littérature et le cinéma. Son but est de tenir le lecteur ou le spectateur en haleine, dans l’expectation – angoissante ou excitante – d’un dénouement. Par ce moyen, l’auteur fait croître habilement en chacun le désir ardent de connaître l’issue d’une situation dramatique donnée.

Faire monter le suspense est donc une stratégie parfaitement recommandée pour attirer l’attention. Cette technique est généralement bâtie sur une suite de phrases dont on attend avidement la chute. Tandis qu’il t’écoute, le cerveau de l’auditeur est actif, tentant de deviner où tu veux en venir. Il se prend au jeu ; son attention est totale. Le suspense peut monter en quelques mots ; nul besoin de construire un scénario hitchcockien. Il suffit de semer un ou plusieurs indices dans chacune des premières phrases. Ton auditeur cherchera naturellement à résoudre intérieurement l’énigme, tout en brûlant de connaître la solution.
 
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Porte chacun des sens jusqu’à l’incandescence.
 
« Je suis Italienne, mais je vis en France. Je suis plus populaire que Jésus-Christ. J’ai visité les États-Unis, le Japon, La Russie… J’ai rencontré des millions de personnes. Mon succès me vaut le surnom de femme fatale. Je suis, je suis ? … Non, pas Monica Belluci… La Joconde. » Durant cette ouverture, ton auditeur n’a fait qu’émettre des hypothèses intérieurement jusqu’à la clef de l’énigme. Son attention est restée tendue vers l’orateur. Au moment où tu lui fais découvrir la solution, il est soit surpris par la réponse, soit fier de l’avoir trouvée. Dans les deux cas, il a vécu une émotion, et cela dès le début de ton discours : c’est de loin le plus important. Tu viens de l’embarquer irrésistiblement avec toi.
 

📌 Exemple

 
« “Silence” : ce mot, ce mot seul, s’inscrit sur le panneau qui se dresse devant chaque visiteur à l’entrée du village d’Oradour-sur-Glane. Il fallait un événement exceptionnel pour rompre ce silence. Cet événement exceptionnel, Monsieur le Président, c’est votre venue ici dans ce lieu où l’horreur fut commise et où la mémoire est scrupuleusement gardée. Je mesure la signification de votre présence. Vous êtes la dignité de l’Allemagne d’aujourd’hui, capable de regarder en face la barbarie nazie d’hier. Car ici même s’est produit un crime, le pire des crimes, un crime contre l’humanité. »

François Hollande, Oradour-sur-Glane (France), 4 septembre 2013, 18 minutes.
 
Video preview
 
À l’occasion d’un hommage rendu aux victimes du massacre d’Oradour-sur-Glane en juin 1944, le Président Hollande commence par créer un suspense. Après les deux premières phrases, l’auditeur se demande successivement : pourquoi le silence ? Pourquoi est-il rompu ? Que s’est-il passé ? L’auditoire est alors prêt à écouter l’orateur expliquer, dans la suite de son discours, le caractère exceptionnel de l’événement.
 
 

🎓 Cas d’école n° 4

 
Le discours présenté ici a été donné dans le cadre d’une « soirée de retour AING ». L’AING (Aventure Initiatique du Nouveau Guerrier) est un week-end initiatique sur la masculinité et le leadership dédié aux hommes et organisé par le MKP. Une soirée de retour a lieu environ deux semaines après le week-end en question. Au cours de cette soirée ouverte au public, chaque intervenant qui le souhaite (membres de l’encadrement, participants, anciens, famille) improvise un speech de une à deux minutes sur son retour d’expérience. Ce soir-là, bien que l’improvisation ne soit pas du tout ma spécialité, je suis intervenu en tant qu’ancien (j’avais participé à une AING dix-huit mois plus tôt) pour raconter ce que m’avait apporté cet événement. J’ai réfléchi à ce que j’allais dire, en marchant depuis le fond de la salle où j’étais debout jusqu’à l’estrade où j’ai pris la parole (je marchais lentement pour laisser le temps aux idées d’émerger). Exceptionnellement, ce discours étant extrêmement court, je te propose de le lire dans son intégralité, tel que je l’ai retranscrit le soir même, de mémoire, juste avant de me coucher. Comme l’improvisation, l’humour n’est pas mon fort, c’est pourquoi ce n’est pas sans une incommensurable fierté que j’ai aussi noté les réactions du public.
 
J’étais très fâché avec les hommes. Très très fâché… [silence] jusqu’à ce que je participe à ce week-end AING en juin 2017. Mon père n’était pas là à ma naissance. Je n’ai fait sa connaissance qu’à l’âge de 40 ans.
Avant l’AING, je n’avais eu que deux expériences avec des hommes… Je réalise que je ne devrais peut-être pas le dire comme ça… ça peut prêter à confusion… [rires]… Avec des groupes d’hommes, je veux dire. La première fois, la plus douloureuse, c’est quand je me suis retrouvé en 3e, en pleine puberté, dans un pensionnat de garçons. Pour moi qui venais d’une école mixte, ce fut particulièrement pénible. La deuxième fois, c’est quand j’ai fait mon service militaire. Selon ma vision, les hommes étaient des êtres qui vivaient selon la règle des 3 B : Boire, Bouffer… [silence]… Bricoler [rires et applaudissements].
Moi, j’aime la mode, la cuisine, le yoga. J’exerce le métier de « massage designer » ; je suis entouré de femmes. Mes clientes sont des femmes. Mes élèves sont des femmes. Mes amies sont des femmes. C’est d’ailleurs une femme qui m’a parlé de l’AING. Enfin… quand je dis qu’elle m’en a parlé… en fait, elle ne m’a rien dit [rires]. Elle n’a fait que répéter ce qu’elle savait de son mari qui lui avait dit : « Je ne peux pas t’expliquer. » [rires]. Je suis allé voir sur le site web. Et je n’en ai pas appris beaucoup plus.
Mais je me suis inscrit quand même. Je me suis inscrit par désespoir [rires]… Parce que je venais de me faire plaquer. Je me suis dit : « Éric, tu es déjà fâché avec la moitié de l’humanité [rires]. Si tu tournes le dos à l’autre moitié [rires], la suite de ta vie risque de ne pas être très brillante. » [rires et applaudissements]
Au MKP, j’ai découvert des hommes, des vrais, chez qui les 3 B révélaient autre chose. J’ai découvert des hommes d’une très grande Beauté, d’une profonde Bienveillance et d’une immense Bravoure [applaudissements]. Parce qu’il faut beaucoup de courage pour accepter de voir ses ombres, pour se connecter à ses émotions, pour toucher son essence.
Grâce à ces hommes, je me suis connecté à ma masculinité. Et je me suis réconcilié avec les femmes. [applaudissements]
 
Ici, je crée le suspense en faisant part d’une émotion qui m’a habité pendant très longtemps et qui a rendu nécessaire, voire indispensable, ma participation à une AING. Les questions que l’on se pose immédiatement après les premiers mots du discours sont : pourquoi l’orateur était-il si fâché ? Comment l’AING l’a-t-elle aidé à se réconcilier avec le masculin ?
 

Notes
  1. Il existe des programmes équivalents pour les femmes : Sacrée Femme !, Woman Within, Women in Power.
  1. « Le ManKind Project (MKP), né aux États-Unis dans les années 1980, est une organisation non gouvernementale internationale dont le but est d'aider les hommes à s’éveiller à leur pleine maturité d’homme. L’objectif est d’encourager le leadership de chacun pour révéler son plein potentiel en s’appuyant sur les valeurs d’intégrité, de responsabilité et d’authenticité. Le MKP a pour ambition de créer un monde meilleur, plus sûr, plus solidaire ; pour nous-mêmes, pour ceux qui nous sont chers, et pour les générations à venir. Chaque homme, quelles que soient ses origines, ses convictions philosophiques, politiques ou religieuses, y trouve l'occasion de construire sa mission au service du monde, en s'engageant, en assumant ses responsabilités, et en commençant par se changer lui-même.» mkpfrance.org.
 

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