5. Poser une question rhétorique
La question rhétorique est une formule très classique, mais toujours efficace. C’est une question qui n’appelle pas de réponse orale de la part de l’auditoire. Il s’agit simplement d’une figure de style. L’orateur pose une question, puis, après un silence (plus ou moins long selon la gravité du moment ou l’effet dramatique voulu), il y répond sans détour, ne cherchant nullement l’interaction avec le public.
Questionne le cœur, l’âme et l’esprit.
La question rhétorique invite l’auditeur à réfléchir et à trouver en lui-même une réponse. Elle sert aussi à introduire la proposition de l’orateur. Il est possible d’enchaîner les questions rhétoriques (pas plus de trois néanmoins), à condition bien sûr d’y répondre immédiatement ou de faire la promesse d’apporter les réponses ultérieurement dans le discours. C’est une bonne méthode pour capter l’attention.
Une conférence à destination des éducateurs ayant pour sujet l’éducation sexuelle des enfants pourrait commencer de la sorte : « Comment fournir une réponse honnête, et adaptée à son âge, à un enfant qui vous demande comment on fait les bébés ? » Il est possible de fournir une ou plusieurs réponses sous la forme de nouvelles questions rhétoriques, comme ceci : « Faut-il lui parler de la cigogne ? De la petite graine ? Ou l’emmener voir directement comment font la vache et le taureau ? » Ici, les questions sont enchaînées de manière à donner un certain rythme, prenant même la forme d’un QCM. Bien sûr, il n’est absolument pas demandé à l’auditeur de cocher des cases ou de répondre oralement ; cela il le comprend. En revanche, il s’attend légitimement à obtenir des réponses dans la suite de la conférence. C’est la promesse implicite de l’orateur. Le désir de savoir est ainsi activé.
📌 Exemple
« Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l’émotion qui nous étreint tous, hommes et femmes, qui sommes ici chez nous, dans Paris, levé, debout, pour se libérer et qui a su le faire de ses mains ? Non ! Nous ne dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes, nous le sentons tous, qui dépassent chacune de nos pauvres vies. »
Charles de Gaulle, Paris (France), 25 août 1944, 5 minutes.
Charles de Gaulle, Paris (France), 25 août 1944, 5 minutes.

C’est depuis l’Hôtel de Ville que le Général de Gaulle choisit d’improviser son premier discours à la population pour célébrer la libération de la capitale. Connu sous le nom de « Paris libéré », son discours de moins de cinq minutes, chargé d’émotion, commence par une longue question rhétorique à laquelle il répond immédiatement avec exaltation, sans même une seconde de pause.
🎓 Cas d’école n° 5
Le projet de ce discours Toastmasters était de présenter l’impact d’un ou plusieurs styles de communication. Il m’a paru intéressant d’étudier la communication lorsqu’il semble qu’elle soit impossible. Pour cela, je me suis penché sur la vie dévotionnelle de Sœur Sainte-Marguerite (1860-1910). Tout le monde connaît l’histoire de Helen Keller (1880-1968), devenue sourde, muette et aveugle suite à une congestion cérébrale à l’âge de dix-huit mois, et qui fut la première personne atteinte de cette triple pathologie à être diplômée de l’enseignement supérieur. Mais on connaît moins l’histoire de Marie Heurtin (1885-1921), atteinte, quant à elle, dès sa naissance du même niveau de déficience sensoriel. Elle qui n’avait jamais vu la lumière ni entendu un son, sortit définitivement de l’obscurité du silence grâce à l’obstination et au dévouement de Sœur Sainte-Marguerite.
Comment communiqueriez-vous avec quelqu’un qui n’entend pas, qui ne voit pas, qui ne parle pas ? Comment communiquer lorsqu’il n’y a aucune prise ?Cette équation, Sœur Sainte-Marguerite a passé dix ans de sa vie à la résoudre. C’était à l’Institution de Larnay, près de Poitiers, un établissement spécialisé dans l’éducation des petites filles déficientes sensorielles.
Ce discours démarre non pas par une question rhétorique, mais par deux. Habituellement, il est esthétiquement préférable, soit de livrer une triade, soit de poser une question unique. Les questions étant longues, j’ai préféré, pour privilégier la fluidité du discours, faire une entorse à la règle en limitant à deux le nombre des interrogations. L’aspect ternaire est toutefois présent dans la première phrase : « […] qui n’entend pas, qui ne voit pas, qui ne parle pas ? » Et dans le deuxième hémistiche de la phrase suivante qui est un alexandrin.
Note au passage que ces questions rhétoriques successives créent en même temps le suspense. Comme je l’ai déjà souligné, une ouverture peut cumuler plusieurs techniques dans la même phrase. Et une même phrase peut remplir plusieurs missions à la fois.
Note au passage que ces questions rhétoriques successives créent en même temps le suspense. Comme je l’ai déjà souligné, une ouverture peut cumuler plusieurs techniques dans la même phrase. Et une même phrase peut remplir plusieurs missions à la fois.
Notes
- Helen Keller, Sourde, muette, aveugle : histoire de ma vie, Payot, 2001.
- Si tu ne connais pas son histoire, lis son autobiographie ou regarde le film Miracle en Alabama d’Arthur Penn, 1962, 1h46.
- Découvre l’œuvre de sa vie dans le biopic Marie Heurtin de Jean-Pierre Améris, 2014, 1h35.
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